La masse corporelle est dans l’immense majorité la résultante de la balance énergétique. Les autres facteurs comme la température, la quantité d’eau que vous buvez ou la pesanteur par exemple sont marginaux sur le moyen et long terme. Il est donc primordial, dans le contrôle de la masse corporelle, de gérer les apports caloriques de l’assiette de nos clients. Comme nous le répétons souvent lors de nos conférences et formations, « perdre du poids est biologiquement très simple, mais psychologiquement et socialement plus compliqué ». En effet, un des facteurs qui compliquent le maintien d’un « régime » hypocalorique est la faim, ce qui joue énormément sur les capacités de résilience et de moral des personnes dans cette situation. Aussi, nous étudierons dans ce chapitre les mécanismes de la faim et de la satiété afin d’aider nos clients dans leurs phases de perte de masse corporelle ou au contraire dans leurs phases hypercaloriques. Le comportement alimentaire est régulé par des neurones de l’hypothalamus, du tronc cérébral et du système nerveux autonome.
Ces neurones sont stimulés par des hormones et des peptides provenant pour la majorité du tissu adipeux, du tractus digestif et du pancréas. L’envie, la valeur hédonique et la faim sont les stimulus et/ou conséquences des comportements alimentaires. Rappelons que la satiété est la sensation d’absence de faim qui suit un repas. Sa durée est variable selon de nombreux facteurs. Le rassasiement est l’arrêt progressif de la faim entrainé par des signaux provenant de différents organes et envoyés au cerveau, lors de la prise alimentaire.
LES MÉCANISMES DE LA FAIM
La gestion de la faim est caractérisée par trois phases. La phase pré-ingestive correspond à une période durant laquelle le sujet a faim. Le besoin physiologique est un mécanisme réel mais il est couplé à un rythme sociétal (heure régulière des repas). L’envie spécifique d’aliments est corrélée à des denrées récemment ingérées et connotées positivement d’un point de vue gustatif. Vient ensuite la phase prandiale durant laquelle le sujet va manger et atteindre progressivement le rassasiement, conduisant à l’arrêt lui aussi progressif, de la prise alimentaire. Enfin, le cycle se termine par la phase postprandiale durant laquelle le sujet a atteint la satiété, c’està-dire une période où la faim est absente. Ces trois phases sont évidemment présentes chez le sujet sain et sans trouble. Diverses pathologies comme l’obésité ou des états psychologiques spécifiques entrainent des variations voire des absences de certaines de ces phases.
A. Baisse des substrats
La faim est un état dépendant de nombreux facteurs, pour certains physiologiques, pour d’autres psychologiques, sociétaux ou encore sociaux. Physiologiquement, lorsque les réserves de glycogène (voir chapitre sur les glucides) sont basses (10 à 12% de baisse), les signaux de la faim vont progressivement être activés. Il en va de même pour la glycémie (taux de glucose dans le sang) ou la concentration en différents nutriments du plasma (liquide du sang). En effet, les récepteurs GLUT2 de la veine porte au niveau du foie captent les niveaux de glucose. Les neurones glucosensibles par exemple du noyau arqué de l’hypothalamus (voir plus loin) reçoivent comme médiateur le neuropeptide Y (NPY) aux fonctions orexigènes. Une information est alors envoyée aux organes cibles comme le pancréas qui réagira en sécrétant de l’insuline. Cette dernière, ainsi que le NPY, font alors partie des signaux qui déclenchent la faim.
B. Niveau stomacal
Lorsque l’estomac est vide et que les réserves de substrats baissent, il produit de la ghréline, la seule hormone humaine de la faim. Son fonctionnement est détaillé plus loin.
C. Niveau intestinal
Les intestins ne sont pas en reste. Dans un temps proche de celui des deux premiers points, ils envoient un message au cerveau via le nerf vague (voir plus bas). Ce dernier va stimuler une partie spécifique de notre hypothalamus (une glande de notre encéphale) qui mettra en place la sensation de faim et les mécanismes physiologiques liés. L’arrivée d’acides gras dans le grêle permet la sécrétion de cholécystokinine (CCK) qui inhibe progressivement la prise alimentaire.
Puis le grêle et le colon sécrètent le peptide YY-36 (PYY 36) qui permet une action de satiété ressentie sur le long terme (plusieurs heures).
D. Le tissu adipeux
Lorsqu’il se retrouve dans une situation où il ne peut plus stocker des graisses (lipides) sous forme de TG (voir chapitre sur les lipides), notre tissu adipeux stoppe sa sécrétion de leptine (une hormone de la satiété). Cet arrêt du stockage des graisses est lié à la baisse de la glycémie qui va alors inhiber la sécrétion d’insuline (responsable en partie du stockage des TG dans le tissu adipeux) et augmenter la production de glucagon. Ce phénomène sert de signal à l’hypothalamus qui va alors synthétiser puis libérer de neuropeptide Y (voir plus loin). Il contribue ainsi à la reprise progressive de la faim.
E. Les sens et la bouche
Parmi les premiers acteurs de la faim (mais aussi de la digestion) nous trouvons les sens. La vue et l’odorat sont généralement les premiers à être sollicités. Cette sensation de salivation ou de mouvements de notre tube digestif (motilité)lorsque nous voyons ou sentons un plat succulent sont des manifestations habituelles de la faim et de la préparation à la prise alimentaire.
Comment est déclenchée la faim ?
En résumé de cette analyse scientifique, les mécanismes de la faim sont principalement déclenchés par :
- La baisse de la disponibilité en glucose et/ou des réserves de glycogène (hépatique).
- l’incapacité du tissu adipeux à stocker des TG.
- l’absence d’aliments dans l’estomac depuis plusieurs heures.
- l’absence ou la baisse de nutriments dans l’intestin grêle.
L’absence d’insuline ou du moins sa forte baisse dans le sang est caractérisée par une augmentation de la faim, ce qui tord le cou à de nombreuses théories sur la faim et le glucose ou plus généralement les sucres. Nous y revenons à de multiples reprises dans ce chapitre. Il existe deux principales « familles » de neurones dans la régulation de la faim : les neurones à NYP/AgRP et les neurones à POMC/CART. Les premiers sont orexigènes, les seconds anorexigènes.